Concurrence déloyale

Quand une entreprise française développe son activité sur le marché espagnol, il est possible qu’elle subisse des actes de concurrence déloyale. Quid de la compétence des tribunaux et de la loi applicable ? Et si la loi applicable est la loi espagnole, quel est le régime juridique de la concurrence déloyale en Espagne.


Juridiction compétente.
Quant à la compétence des tribunaux, l’entreprise française aura deux choix : soit assigner devant le tribunal du domicile du défendeur, et donc le tribunal espagnol, ou devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ; et ce, en application des articles 4 et 7.2 du Règlement (CE) n° 1215/2012.

Est-ce que sur le fondement de l’article 7.2 du Règlement (CE) n° 1215/2012, on peut fonder la compétence de la juridiction française ?

La Cour de Justice de l’Union Européenne au l’occassion de dire que la notion de « lieu où le fait dommageable s’est produit » ne vise pas le lieu où la victime prétend avoir subi un préjudice patrimonial consécutif à un dommage initial survenu et subi par elle dans un autre Etat Membre de l’Union Européenne.

Il apparait donc difficile de saisir la juridiction française pour des actes de concurrence déloyale commis en Espagne quand bien même le préjudice financier aurait été subi en France.

Si l’acte de concurrence déloyale est commis sur un site internet, le seul fait que le site internet espagnol soit accessible en France, ne suffit pas à fonder la compétence des juridictions françaises.

Il n’existe pas de compétence du click. Pour que les tribunaux français soient compétents dans l’hypothèse d’un délit commis sur internet, encore faut-il que « l’activité supposée illicite soit dirigée vers les consommateurs français auxquels elle est destinée, seule circonstance de nature à établir un lien de rattachement particulièrement étroit avec la juridiction française saisie, qui autorise le demandeur à déroger au principe naturel du forum rei »

Comme nous avons pu le voir, si le concurrent espagnol a son siège en Espagne, qu’il a commis les actes incriminées uniquement en Espagne et que son site internet ne se dirige pas vers les consommateurs français, seuls les tribunaux espagnols seront compétents.

Loi applicable.


L’article 6.2 du Règlement Rome II (Règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007) dispose que lorsqu’un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé, l’article 4 est applicable et donc la loi applicable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent.

Dans l’hypothèse qui nous occupe, c’est la loi espagnole qui s’appliquera puisque le dommage survient en Espagne vu que l’activité de la société française se développe en Espagne. La loi applicable est régie par la loi du lieu où la victime de la rupture exerce son activité

Loi espagnole et prescription.


La loi Espagnole de Concurrence Déloyale du 10 janvier 1991 prévoit une prescription extrêmement courte.

Le délai de prescription est d’un an à compter du moment où l’action a pu être exercée et où la victime a eu connaissance de la personne qui a réalisé l’acte de concurrence déloyale.

Si la victime n’a pas connaissance de la personne qui a réalisé l’acte de concurrence déloyale, la prescription en tout état de cause est de 3 ans depuis la fin de la cessation de l’acte incriminé.

En droit espagnol, il est important de noter qu’une simple réclamation extrajudiciaire interrompt le délai de prescription. Par conséquent, une mise en demeure a cette faculté d’interrompre la prescription.

Loi espagnole et actes de concurrence déloyale considérés comme tel.


La loi du 10 janvier 1991 établit que sont considérés comme actes de concurrence déloyale :

comportement qui résulte objectivement contraire aux exigences de la bonne foi.
acte de tromperie entendu comme toute conduite qui contient des informations fausses ou des informations qui, même si elles sont vraies, par leur contenu ou leur présentation, induit ou peut induire en erreur les destinataires.
acte de confusion entendu commet tout comportement susceptible de créer de la confusion avec l’activité, les prestations ou l’établissement d’autrui. Le risque d’association de la part des consommateurs quant à l’origine de la prestation est suffisant pour fonder la déloyauté d’une pratique.
omission trompeuse entendu comme toute omission ou dissimulation d’informations nécessaires pour que le destinataire puisse prendre une décision concernant son comportement économique en toute connaissance de cause. Est également déloyal si les informations fournies sont peu claires, incompréhensibles, ambiguës, ne sont pas fournies au moment approprié, ou si le but commercial de cette pratique n’est pas divulgué.
pratiques agressives entendu comme tout comportement qui, en tenant compte de ses caractéristiques et de ses circonstances, est susceptible de compromettre de manière significative, par le harcèlement, la contrainte, y compris l’utilisation de la force, ou l’influence indue, la liberté de choix ou de comportement du destinataire concernant le bien ou le service, et qui, par conséquent, affecte ou peut affecter son comportement économique.
actes de dénigrement entendu comme la réalisation ou la diffusion de déclarations sur l’activité, les services, l’établissement ou les relations commerciales d’un tiers qui sont susceptibles de nuire à sa réputation sur le marché, sauf si elles sont exactes, véridiques et pertinentes.
actes de comparaison : l’utilisation d’allusions explicites ou implicites à un concurrent sera autorisée si elle remplit les conditions suivantes :
a) les biens ou services comparés doivent avoir la même finalité ou satisfaire les mêmes besoins.
b) la comparaison doit être objective et porter sur une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des biens ou services, y compris le prix.
c) dans le cas de produits protégés par une appellation d’origine ou une indication géographique, une dénomination spécifique ou une spécialité traditionnelle garantie, la comparaison ne pourra être effectuée qu’avec d’autres produits de la même appellation.
d) les biens ou services ne peuvent pas être présentés comme des imitations ou des répliques d’autres produits protégés par une marque ou un nom commercial.
e) la comparaison ne peut pas aller à l’encontre des dispositions en matière de tromperie, dénigrement et exploitation de la réputation d’autrui.
actes d’imitation : l’imitation des prestations d’un tiers sera considérée comme déloyale lorsqu’elle est susceptible de générer une association de la part des consommateurs par rapport à la prestation ou entraîne une exploitation indue de la réputation ou des efforts d’autrui. L’inévitabilité de ces risques d’association ou d’exploitation de la réputation d’autrui exclut la déloyauté de la pratique.
De plus, l’imitation systématique des prestations et des initiatives commerciales ou professionnelles d’un concurrent sera considérée comme déloyale lorsque cette stratégie vise directement à empêcher ou à entraver son affirmation sur le marché et dépasse ce qui peut être considéré comme une réponse naturelle du marché selon les circonstances.
exploitation de la réputation d’autrui : l’exploitation abusive, à son avantage ou à celui d’autrui, des avantages de la réputation industrielle, commerciale ou professionnelle acquise par un tiers sur le marché.
En particulier, l’utilisation de signes distinctifs appartenant à autrui ou de dénominations d’origine fausses, accompagnées de l’indication de la véritable provenance du produit ou d’expressions telles que « modèle », « système », « type », « classe » et similaires est réputée déloyale.
viol de secret des affaires.
induction à la violation contractuelle. Est considéré comme déloyal le fait d’inciter les travailleurs, fournisseurs, clients et autres parties contractantes à enfreindre les obligations contractuelles de base qu’ils ont contractées avec les concurrents.
L’incitation à la résiliation régulière d’un contrat ou l’exploitation à son propre avantage ou à celui d’un tiers d’une violation contractuelle d’autrui ne sera considérée comme déloyale que lorsque, étant connue, elle vise à diffuser ou exploiter un secret industriel ou commercial ou est accompagnée de circonstances telles que la tromperie, l’intention d’éliminer un concurrent du marché ou d’autres analogues.
abus de position dominante.
employer des salariés étrangers sans permis de travail.
non-respect répété des règles de lutte contre les retards de paiement dans les opérations commerciales.
traitement discriminatoire du consommateur.
exploitation de la dépendance économique de ses entreprises clientes ou fournisseurs.
rupture des relations commerciales de façon abusive : sans respecter un préavis minimum de 6 mois sauf manquements graves du cocontractant ou cause de force majeure ; Obtenir, sous la menace de rupture des relations commerciales, de prix, conditions de paiement, modalités de vente, paiement de frais supplémentaires et autres conditions de coopération commerciale non incluses dans le contrat d’approvisionnement convenu.
vente à perte : dans les cas suivants :
a) lorsqu’il est susceptible d’induire en erreur les consommateurs quant au niveau de prix d’autres produits ou services de la même entreprise.
b) lorsqu’il a pour effet de discréditer l’image d’un produit ou d’un établissement tiers.
c) lorsqu’il fait partie d’une stratégie visant à éliminer un concurrent ou un groupe de concurrents du marché.
publicité illicite : celle qui est contraire à la loi Générale de Publicité du 11 novembre 1988.
pratiques trompeuses sur les codes de conduite ou autres distinctifs de qualité.
-pratiques promotionnelles trompeuses.
-pratiques commerciales trompeuses.
-pratiques de vente pyramidale.
-pratiques commerciales par coaction, harcèlement du consommateur.
-pratiques résultantes de visite à domicile non demandées par le consommateur.

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